Waldemar Kita

Vient un moment, où il faut regarder les choses en face. Le FC Nantes est en progrès. L'an dernier, il avait terminé avec 45 points au compteur contre 47 cette saison. D'une place finale de 15e, il est aussi passé au 13e rang. Un bond de deux marches, ce n'est pas rien.

Certains se livrent volontiers à de la politique-fiction. Autorisons-nous un peu de sport business fiction. En maintenant ce trend de deux places gagnées par an, le FC Nantes serait de retour en Ligue 1 à l'issue de la saison 2015-2016, pile poil pour l'Euro auquel Jean-Marc Ayrault a préféré dire non. Si Waldemar Kita ne parvient pas à le revendre et qu'il maintient la même gestion, à raison de 15 millions d'euros injectés de sa poche par exercice, les cinq années qui le séparent de ce retour dans l'élite lui en coûteront 75 millions d'euros. Ajoutés aux 70 déjà évaporés, cela lui fera une douloureuse perte de 145 millions d'euros. Soit, pour ainsi dire, l'équivalent de sa fortune personnelle, estimée, après la vente de sa société, Corneal, au géant américain Allergan, à 150 M€. Ça fait froid dans le dos. Même si, avec 5 millions d'euros, on peut encore vivre décemment, et que cette équation un peu sommaire fait fi des revenus ou pertes réalisés à travers les placements de sa holding, Flava group.

Un goût de déjà-vu

Mais revenons à la réalité, c'est-à-dire à l'affliction. La quatrième saison du FC Nantes version Kita a marqué une continuité consternante. Des erreurs, tout le monde en fait, a fortiori ceux qui prennent le risque et la responsabilité de diriger. Le tout, dit-on, est de ne pas les reproduire. Or, WK a de nouveau pédalé dans la même semoule. Des contrats de joueurs en pagaille, un changement d'entraîneur (Gentili par Anziani), un changement de « directeur sportif » ou assimilé (Favard par Hillion)... Le tout arrosé des corollaires bien connus que sont la faillite des joueurs cadres, les petites bastons entre amis et les guéguerres internes. Un cocktail au goût amer qui laisse forcément, même au plus assuré des hommes d'affaires, le sentiment de se trouver dans une impasse, de ne pas avoir la solution.

De quoi avoir envie de passer à autre chose. On sait que c'est la volonté de Kita. En même temps, il ne s'est pas encore résolu à céder le club au premier venu et à prix cassé. C'est ce que révèle l'échec (pas forcément définitif ?) de la réunion parisienne de mardi avec Michel Moulin et ses investisseurs. Il veut encore amortir la chute, quitte à devoir rempiler s'il ne trouve pas de repreneur. Cette position ambiguë fait malheureusement le lit d'une nouvelle pétaudière, avec un énième entraîneur (Landry Chauvin) auquel il ne croit pas, et un coordinateur sportif qu'il ne peut déjà plus supporter.

Vendredi soir, après la défaite de ses joueurs au MMArena du Mans (3-2), Waldemar Kita s'est éclipsé avec ses mystères. En évitant Michel Moulin, encore conseilleur sportif au Mans FC. Sans s'adresser à la presse. En se contentant juste d'un petit signe provocateur aux choristes l'ayant une fois encore assaisonné de couplets peu amènes. Au revoir ou à bientôt ? Qui sait ? Peut-être même pas lui-même. Gestionnaire malhabile, Kita reste un homme labile(1).

Un téléphone mobile en main, un autre à portée de main, l’écran de l’ordinateur portable scintillant, Waldemar Kita est le contraire d’un homme désabusé ou résigné et il n’a rien d’un futur ex en décompression. Il s’agace que d’aucuns puissent imaginer qu’il a déjà le nez dans ses bagages. « Quel président je serais, si je ne préparais pas la saison à venir ? » Il s’amuse, autant qu’il s’agace, des rumeurs qui rebondissent jour après jour sur un protocole de vente déjà signé ou de présumées offres qu’il aurait rejetées. « Comment dois-je le dire ? Je n’ai pas eu à examiner d’offres crédibles à ce jour. Écrire, comme je l’ai lu, que j’aurais rejeté une offre de 10 millions, c’est n’importe quoi. »

« Pas encore l’heure de la séparation »

Vendu ? Pas vendu ? À vendre ou pas ? Les questions ne supportent plus guère l’échappatoire. Et pourtant… « L’heure de la séparation n’est pas encore venue », soutient Waldemar Kita qui avait évoqué en 2007, lors du rachat du club au groupe Dassault, un investissement sur 4 à 5 ans. « Si la séparation n’est pas encore consommée, c’est que je ne veux pas donner le club au premier venu. Assurer la pérennité du FC Nantes, c’est ma préoccupation. Et ça m’oblige à assumer toutes mes responsabilités vis-à-vis du club. » Il centre le débat sur le terrain de la responsabilité. « Qu’est-ce qui vous empêche de donner le club ? me dit-on… Mais acheter est une chose, assumer le fonctionnement en est une autre. Les «yakafokon» disent n’importe quoi. Ils n’ont aucune notion juridique, économique et financière. »

« Budget : de 25 à 18 millions »

Les finances ? Parlons-en ! « Les comptes présentés la semaine prochaine à la DNCG feront état d’un budget 2010-2011 de 24-25 millions d’euros, avoue Waldemar Kita. En réalité, le 1er de Ligue 2 devant Le Mans. » Avec quel apport personnel ? « 12 millions, lâche, du bout des lèvres, le président-propriétaire dont la mise globale en quatre ans aura atteint, sinon dépassé, les 70 millions d’euros ! « Pour la saison prochaine, nous présentons un budget prévisionnel de 17 à 18 millions, dans lequel le centre de formation pèsera pour 6 millions et les salaires du groupe pro et du staff pour 6 millions hors charges. » Un budget que le toujours président du FC Nantes croît bon devoir qualifier de « réaliste ».

« Chauvin, un type bien »

Donner un nouvel élan, c’est l’objectif visé par WK avec la restructuration du staff sportif et technique. « On a mis du temps », reconnaît le président, en confessant n’avoir pas perçu de suite « la spécificité nantaise… Mais, depuis un an, on a pris de l’élan pour garantir de la stabilité et de la constance. » Et de souligner les premiers bénéfices du travail effectué pour relancer le secteur de la formation… De quoi motiver un futur accédant à la propriété. Tout autant que la reconfiguration de l’organigramme sportif que Waldemar Kita défend : « Chauvin est quelqu’un de bien que je découvre au fil des jours et mes relations avec Guy Hillion sont respectueuses, courtoises et professionnelles. » Une façon de confirmer que le FC Nantes a tous les atouts pour rebondir… avec Waldemar Kita ou, plus sûrement sans lui, à une échéance pas encore fixée.